LE SEMEUR

(Lisez Luc 8;4-18)

«Le Semeur sortit pour semer sa semence. Et comme il semait, quelques grains tombèrent le long du chemin, et furent foulés aux pieds, et les oiseaux du ciel les dévorèrent. Or, voici ce qu'est la parabole: La semence est la parole de Dieu et ceux qui sont le long du chemin, sont ceux qui entendent la parole; ensuite vient le diable, et il ôte de leur cœur la parole, de peur qu'en croyant, ils ne soient sauvés. »

Voilà en quels termes le Seigneur présente la première classe d'auditeurs pour lesquels la prédication reste sans effet. Car il y a un ennemi qui cherche toujours à anéantir le travail du semeur, c'est Satan dont les satellites sont à sa disposition.

Tombée le long du sentier que les pieds ont battu sans cesse, la semence n'est déjà plus ce beau grain que le semeur avait choisi dans le meilleur de son grenier. Ce n'est point assez, les oiseaux des cieux dévorent ce qui peut rester encore de cette semence. Après cela, il n'y a plus rien.

Ah ! cher lecteur, seriez-vous de cette classe indifférente ? Dans votre cœur, si vaste que le monde entier ne le peut remplir, dans ce cœur si encombré de passants, comme ces chemins où l'on à peine à se faire place, n'y aura-t-il donc pas un petit coin où la semence de Dieu pourra trouver à se développer et à porter du fruit ? Vous êtes là comme dans une immense foire où vous achetez de tout, et vous laisseriez à côté de vous, sans la regarder, la seule chose qui peut vous rendre pour toujours heureux ? Vous ne feriez aucune attention sérieuse au don de Dieu qui vous est offert gratuitement, Le Seigneur parle ensuite d'une seconde catégorie d'auditeur : une partie de la semence tomba sur des endroits rocailleux. Dans cette plaine où le semeur jetait sa semence se trouvaient des pierres, du roc à peine couvert de terre. Il ne fallait cependant pas manquer d'y jeter la semence, car on aurait risque de ne pas atteindre les parties avoisinantes où il eût été dommage de ne pas avoir de moisson. Et quand le cultivateur revient quelque temps après, il s'en félicite, car il voit que la semence a levé partout. Un peu plus tard, cependant, ses illusions tombent. Le petit brin de blé qui n'avait pas trouvé assez de terre s'est desséché, et son espoir est déçu.

Le Seigneur explique comment «ceux qui sont sur le roc » sont ceux qui aussitôt qu'ils ont entendu la parole, l'ont reçue « avec joie » ; mais, ajoute-t-il, «ceux-ci n'ont pas de racine : ils ne croient que pour un temps, et au temps de la tentation ils se retirent. » La tentation, c'est le soleil avec sa brûlante chaleur qui au lieu de faire croître le blé, le sèche, Un évangéliste prêche la parole et, dès qu'il a fini, des pécheurs se présentent à lui pour lui dire combien ils sont heureux : ils n'ont jamais « rien entendu de pareil » ; ils ont été touchés jusqu’aux larmes. Il y en a même qui se lèvent après la réunion et qui, devant tous, se déclarent prêts à suivre le Christ, eux aussi. Un vieux prédicateur ne se laisse pas prendre à ces premiers élans; tout en se réjouissant de ce qu’il voit des âmes qui ont été au moins rendues attentives à la parole, il attend. Il sait qu’il y a des personnes sensibles qui pleurent en entendant la musique du régiment qui passe. Mais le jeune évangéliste, encore moins inaccoutumé aux désenchantements, voit déjà le fruit de la semence qu’il vient de jeter et il en est tout heureux et encouragé.

Reste à savoir combien de ceux qui reçoivent la parole ainsi avec joie, rendront en présence de l’ennemi témoignage pour Christ et y persévèreront. Ils peuvent bien montrer les signes apparents de la conversion, de la vie de Dieu; mais le soleil de l’épreuve viendra un jour, plus tôt que l’on ne pense peut-être, montrer qu’il n’y avait pas beaucoup de racines. Ils ont «goûté la bonne parole de Dieu» (Hébreux 6;5.) Mais leur joie est-elle celle que produit l’Esprit Saint? Les démons eux-mêmes peuvent croire et trembler.

Cette joie éphémère des enthousiastes d’un moment, ne peut venir que de l’excitation naturelle, de l’entraînement. Cela se voit dans tous les «réveils.» Un évangéliste a dit: «Quand la religion va en pantoufles d’argent, elle a beaucoup de partisans.» S’il ne s’agit que de recevoir cette merveilleuse révélation d’un salut qui ne coûte rien, on est tout heureux, comme ceux qui suivaient le Seigneur parce qu’ils avaient du pain à manger, ou qu’ils voyaient les miracles qu’Il faisait. Mais ce n’était plus cela dès qu’il s’agissait de le suivre dans le renoncement. Pour pouvoir marcher à la suite du Christ, il faut avoir eu la conscience exercée. Il est de ces jeunes convertis qui commencent par la joie, sans avoir beaucoup pensé à leurs péchés, encore moins à leur nature pécheresse: ils ne se connaissent pas. Le sol de leur être moral n'a pas été remué, le sol n'est pas « humide », et on sent bien que les tiges frêles, provenant des grains semés, ne résisteront pas au chaud soleil de la première épreuve. En effet, un jour ils sont moins zélés, ou moins assidus aux réunions. On s'informe délicatement du pourquoi, et on apprend que les arguments de parents ou des railleries d'amis les ont déconcertés ou découragé. Cela continue un peu et on ne les voit plus. Ils sont retournés dans le monde et leur dernière condition est pire que la première.

Les faits à citer ne manquent pas. J'ai connu une jeune fille qui avait été très touchée, et qui était devenue tout feu et flammes. Aujourd'hui elle est dans le monde; elle n'a plus même la foi orthodoxe; elle ne croit plus à rien, si elle a jamais cru véritablement à quelque chose.

Le Seigneur poursuit son enseignement, en disant qu'une partie de la semence tomba « au milieu des épines.» Voyons ce que devient cette partie de la semence.

Ici le sol ne ressemble pas à ceux que nous avons vus. Ce n'est plus le chemin battu par les passants, et où aucune semence ne lève, ce n'est plus le roc où rien ne peut longtemps vivre; c'est la terre les plantes vivent et prospèrent. Il nous semble que là où les épines croissent, le blé doit vivre aussi. Cette portion du champ est fertile. Aussi voyez le cultivateur en revenir tout joyeux, lorsque la semence a levé; tout fait prévoir une récolte là où on lui avait dit qu'il n'y aurait rien. Il a bien aperçu çà et là quelques plantes suspectes, mais le blé, en prenant de la force, dépassera vite ces quelques chardons ! ...Qu'il connaît peu la terrible puissance du mal ! Quand il revient un peu plus tard, les épines et les ronces l'ont si bien enlacé de toutes parts, que les pauvres tiges portants les épis déjà en formation, ne peuvent même voir le soleil et restent pâles et frêles parmi ces mauvaises plantes qui les étouffent. Encore quelques jours, et il voit bien des épis, mais ils restent vides. Les tiges sont toujours debout et lèvent d'autant plus haut la tête qu'il n'y a pas de grain dedans.

Le Seigneur, dans son commentaire, nous dit: Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, et s'en étant allés, sont étouffés par les soucis, et par les richesses, et par les voluptés de la vie, et ils ne portent pas de fruit à maturité. » Ici, nous ne trouvons pas les jeunes enthousiastes de tout à l'heure; ce sont plutôt des personnes dans la période de la vie où 1'activité se porte un peu sur tout et se déploie dans la famille, les affaires, les plaisirs. Chacun songe à l'avenir et veut travailler pour se donner plus tard du repos; car on pense déjà à la vieillesse. En attendant, les favorisés du sort, comme on les appelle, veulent se délasser, s'amuser.

Voici un honnête père de famille tout entier à son travail, une bonne mère toute à ses enfants et aux soucis de son ménage; voilà un commerçant qui ne pense qu'à son bureau. Ne leur parlez pas de Christ; ils n'ont pas le temps de vous entendre, encore moins d'aller à une réunion. Le peu de liberté que leur laisse le dimanche, ils l'emploient à distraire leurs enfants, ou à faire d honnêtes réunions de famille. D'autres font la part plus large aux plaisirs, n'ayant pas à compter avec les difficultés de la vie. Toutefois, ces gens-là ne sont pas fermés à l’évangile. Beaucoup l'écoutent, reçoivent assez des Écritures, pour leur permettre de ne pas être sans religion. Ils comptent même que dans leur vie si remplie, cela leur sera une aide. Mais la semence qui est tombée parmi tant de racines, si vivaces qu'il leur faut toute la place, se trouve vite gênée, envahie de plus en. plus, enlacée, dépassée, et, en fin de compte, « étouffée », comme dit le Seigneur. Ces personnes n'abandonneront peut-être pas la profession qu'elles ont fait de connaître Christ, mais c'est une profession toute extérieure, sans vie, sans fruit. Ah! si elles l'avaient vraiment connu, leurs soucis ne les auraient-elles pas plutôt poussées auprès de Celui qui a dit: «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos. » C'est bien à Lui qu'il faudrait remettre tout souci (1 Pierre 5;17.)

J'ai connu un jeune homme, converti après avoir mené une vie désordonnée, qui donna d'abord les meilleures espérances. Attaché à une maison importante de crédit, il avança rapidement, grâce à sa conversion à laquelle tout le monde croyait. Le dimanche il prenait part au culte; et il tenait l'école du dimanche avec succès. Il a prospéré au-delà de l'espérance de tous et de lui-même. D'employé, il est devenu directeur. Mais à partir de ce moment, il a commencé à se retirer de la religion et à laisser de côté les amis du Seigneur qu'il recherchait auparavant. Les prières, les larmes de ses amis ne lui ont pas manqué; rien n'y a fait, et rien ne pouvait y faire quelque chose : les épines, les ronces de la prospérité mondaine, avaient fait leur œuvre, le diable ferait le reste! Nous n'avons plus jamais revu ce malheureux qui, retourné dans le monde, y a pris une femme selon ses nouveaux goûts. Un jour pourtant, il eut un appel solennel : un matin, il trouva son épouse morte à ses côtes. Puis il a redescendu cette échelle de prospérité qu'il avait montée trop vite, ne tenant plus compte de rien. Enfin, la même messagère indiscrète et cruelle, qui lui avait été envoyée pour lui ravir son épouse, se présenta aussi inopinément pour lui-même, encore à la force de l'âge; mais toujours étouffé par les soucis, les trompeuses richesses et les «autres choses », dont parle le Seigneur (Marc 4;19), il mourut; personne n’a su dans quelles dispositions.

Combien il y en a comme elle de par le monde qui ont entendu l'évangile, ont paru le recevoir, ont donné les meilleures espérances, et la semence. étouffée, est restée sans fruit.

Mais j'ai hâte d'arriver à la quatrième et dernière sorte de terrain, que le Seigneur appelle une « bonne terre. » Enfin, il y aura une partie du champ, une seule sur quatre, où le semeur n'aura pas semé en vain. Et plût à Dieu que ces lignes rencontrent un cœur, ne serait-ce qu'un seul, préparé par la charrue du Seigneur pour recevoir la précieuse parole, afin de pouvoir porter du fruit pour Dieu.

Le terrain était devenu « bon », en effet; il ne l'était pas par nature. Le laboureur y avait passé et repassé sa charrue. D'elle-même, la terre produit de mauvaises herbes; le divin Semeur ne cherche du fruit que de la graine qu'Il y jette. Le cœur de l'homme est de sa nature, mauvais. Il en sort les mauvais sentiments, les mauvaises pensées, diverses convoitises, les meurtres ; il est «trompeur par-dessus tout et incurable » (Jérémie 17;9.) Mais lorsque Dieu y opère, en produisant la conviction de péché, Il ouvre des sillons larges et profonds, pour que la semence divine y soit retenue et y jette de fortes racines.

Les hommes pensent que la bonne terre est ce sol vierge qui n'a pas encore connu les péchés grossiers, ce jeune homme encore pur, que le monde n'a pas souillé, cette jeune fille que sa mère, chrétienne fidèle, a enseignée dans la vérité dès le berceau. Non, non, le plus et le mieux préparé, le meilleur sol, c'est ce pécheur qui a une conviction réelle de sa nature mauvaise et incapable de rien faire, de rien produire pour Dieu, Le Seigneur semble se complaire à nous parler de ce cœur « honnête et bon », qui retient la parole et produit du fruit « avec patience. »

Ne vous méprenez pas sur les mots : Vous pourriez croire que le cœur honnête et bon est quelque chose comme le cœur d'un ange ? Non ; c'est le cœur pécheur qui dit la vérité quant à ce qu'il a fait; qui est dans ce sens «sans fraude » (Psaume 32;2.) Le pauvre prodigue, bien coupable et bien méchant, a quitté son père et a vécu dans le péché; ce ne semble pas un terrain favorable d'abord ; mais un jour il se lève et s'écrie : « Mon père, j'ai péché contre le ciel et devant toi. » Ce jour-là, il commence par dire la vérité, et s'humilie: voilà la première indication du cœur « honnête et bon » dont le Seigneur parle. C'est de ce cœur là que sort la prière: « O Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur ! » (Luc 18;13.)

Écoutez l'apôtre Paul: il s'appelle le premier des pécheurs ; mais ayant reçu la semence divine dans un cœur bien préparé, ni les épreuves ne l'ont découragé, ni les soucis, ou les richesses,. ou les plaisirs de la terre ne l'ont tenté et retenu dans sa course. Il a appris à faire une seule chose, savoir, à courir vers le but pour le prix de l'appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus (Philippiens 3;14 ; 1 Timothée 1;15.)

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Cher lecteur, je vous demande à présent, à laquelle de ces quatre catégories vous appartenez ? Vous avez entendu la parole de Dieu souvent, et vous la lisez plus souvent encore, votre cœur est-il préparé de Dieu pour être un sol qui la retienne, et où elle pourra porter des fruits ? Oh, ne soyez pas avec les indifférents, ni avec les cœurs sensibles mais légers, ni non plus avec ceux qui ne reçoivent la semence que pour qu'elle soit étouffée par les richesses, les soucis ou la mondanité! Soyez avec ceux qui reçoivent la parole et qui la gardent et qui aussi portent du fruit avec patience.

«Bienheureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et oui la gardent! » (Luc 11;28.)

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