LE SECRET DU VRAI BONHEUR

(Matthieu 3;13-17 ; 4;1-16.)

En considérant de près les trois tentations du Seigneur, on se sent toujours plus pénétré du fait que le secret de la vie chrétienne s'y trouve, au point de vue pratique. Cette vie, dont le Seigneur Jésus-Christ est l'expression vivante pour nos cœurs, a été manifestée ici-bas. L'apôtre Jean en parle dès le commencement de son épître. L'obéissance la caractérise.

Et l'obéissance dont il est question n'est pas une obéissance forcée, légale, imposée sous peine de châtiment en cas d'infraction d'un commandement donné; au contraire, c'est une obéissance rendue volontairement et qui fait les délices d'un cœur aimant, comme cela est exprimé dans le Psaume 40, verset 8.

Ce n'est pas tout. La force et l'énergie de cette vie d'obéissance découlent d'une dépendance continuelle de Dieu, duquel l'amour remplit l'âme. Quel bonheur que de posséder la certitude de son intérêt infini, se déployant dans une sollicitude qui ne saurait être interrompue et dont les effets s'étendent jusqu'aux moindres détails de la vie! En outre, la mesure de cet amour invariable, sur l'exercice duquel on peut toujours compter, ne doit pas s'estimer par ses effets quelque précieux qu'ils soient, mais bien par le sacrifice du Fils de Dieu à la croix. Aucune chose sur la terre ne peut égaler cet amour là, rien dans le ciel ne saurait égaler la sincérité de leur repentir (Matthieu 3;6-10). Ensuite vient Jésus, exigeant que Jean le baptisât, lui aussi. Jean ne le comprenait pas . Il Lui avait déjà, par le Saint Esprit, rendu témoignage qu’Il était « l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jean 1;29); comment pouvait-il accomplir pour Lui un acte qui semblait l'identifier avec les pécheurs ? Et cela d'autant plus que cet acte ne pouvait jamais être révoqué.

Jean ne comprenait pas encore de quelle manière Jésus allait mener à bonne fin son œuvre. Il ne comprenait pas que « pour accomplir toute justice », Il fallait tout d'abord que le Seigneur s'humiliât en reconnaissant publiquement ceux qui avaient écouté la prédication de Jean, et qui avaient fait confession à Dieu de leurs méfaits, Ceux-là devaient être les premiers fruits de la grâce; à ceux-là, Il voulait faire comprendre la réalité du nom «Emmanuel », Dieu avec nous, et le bonheur qui s'y rattache. Le Seigneur donc, dans la plénitude de sa grâce condescendante, prend place au milieu de ces pécheurs repentants, sans chercher à expliquer la différence entre Lui et les autres au sujet du baptême, sans vouloir se justifier aux yeux des hommes ou satisfaire les raisonnements du cœur naturel. Aussitôt qu'Il le fait, Dieu prend en main sa cause, et, Lui répondant selon la gloire de sa personne, rend témoignage de ce qu'Il était. Cette réponse immédiate ne devenait-elle pas la garantie que tous ceux qui avaient été baptisés recevraient, au moment voulu de Dieu, l'assurance du pardon que leur confession réclamait ?

Pour recevoir cette assurance cependant, ils devaient attendre que le sang fût versé, le seul sang efficace pour ôter les péchés et par lequel seul « la rémission des péchés » peut être proclamée. Aussi Matthieu n'en dit pas un mot au chapitre 3; il n'en parle pas même avant le chapitre 26, où le Seigneur, « la nuit qu'Il fut livré» mit la coupe entre les mains de ses disciples.

Ce fait unique, remarquable, acquiert une importance plus saisissante encore lorsqu'on compare les récits de Marc et de Luc. Il met en saillie aussi la liaison divine entre le témoignage du Père et l'occasion divinement choisie, pour faire ressortir le vrai bonheur de la dépendance continuelle de Dieu, dépendance qui caractérisait le chemin du Seigneur ici-bas.

Est-ce peu de chose que de s'en remettre à Dieu et en le faisant de recevoir de Lui-même le témoignage de son amour ? À part le fait incontestable que nous avons ici pour la première fois, la manifestation sur la terre de la Trinité, -Père, -Fils, -Saint Esprit ; nous pouvons y constater les conditions dans lesquelles la vie chrétienne commence.

Dieu ne veut pas qu'il y ait là moindre incertitude dans nos cœurs. «Celui qui croit au Fils à la vie éternelle » (Jean 3;36; 6;47.) À un tel s'appliquent les paroles de l'apôtre: « Voyez de quel amour le Père nous a fait don que nous soyons appelés enfants de Dieu... Bien-aimé, nous sommes MAINTENANT enfants de Dieu» (1 Jean 3;1, 2). Ce que nous serons sera manifesté lors du retour de notre Seigneur ; mais la relation avec le Père subsiste déjà. Rien ne saurait l'infirmer; car pour nous y placer éternellement, Christ a accompli la rédemption, et pour en donner une expression conforme aux pensées de Dieu, Dieu envoie «l'Esprit de son Fils » dans nos cœurs, criant « Abba Père » (Galates 4;4-6.)

Or, notez que l'assaut de Satan suit immédiatement le témoignage du Père, que son Fils est l'objet de ses délices; ce qui a lieu au moment où Jésus prend place au milieu des pécheurs. Sur lui le Saint-Esprit reste en forme corporelle; si, par ce fait Il a été distingué Lui seul, différencié de tous ceux qui avaient été baptisés, ceux-ci ne se trouvaient-ils pas ainsi groupés autour de Lui ? Leur avenir était assuré dans sa personne, et le bonheur de sa vie allait devenir le bonheur de la leur. Plus tard Jésus dit à ses disciples : « Je vous ai dit ces choses afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit accomplie » (Jean 15;11).

L'ennemi veut anéantir cette joie, s'il le peut, mais il n'arrive qu'après la proclamation divine. La relation du Fils avec le Père; ce qu'Il était dans la gloire de sa personne, sa sainteté absolue, les délices du cœur de Dieu, avaient été pleinement établis.

Il en est ainsi pour nous, grâces à Dieu ! La carrière chrétienne ne commence qu'après la certitude que le pouvoir de l'ennemi est détruit; le pauvre captif qui soupirait naguère dans son esclavage est libéré comme l'a été le peuple d'Israël lorsqu'il vit la puissance des Égyptiens anéantie dans les eaux de la Mer Rouge. Si l'ennemi vient ensuite pour séduire, pour harceler, pour empêcher tout progrès dans le chemin de Dieu, il vient en ennemi et non plus en maître. Il n'avait rien en Jésus, mais il venait tout de même (Jean 14;30).

Pour nous, la relation du croyant, comme nous l'avons vu, est établie sur l'autorité de la parole de Dieu. D'ennemi qu'il était, sous la domination de Satan, il est devenu enfant de Dieu. C'est en « enfant »qu'il doit apprendre la dépendance et « l'obéissance de Jésus-Christ. » Il est sanctifié pour cela par le Saint-Esprit et par l'aspersion du précieux sang de Christ (1 Pierre 1;2 ; 1 Jean 1;7).

D'après ce qui précède, il est évident que le point de départ de la vie pratique est la certitude que nous sommes « enfants de Dieu.» Cette relation personnelle a été établie avec le Dieu vivant comme fruit des souffrances du Seigneur Jésus qui porta nos péchés sur la croix. La relation elle-même n'est autre que celle que nous voyons manifestée dans le Fils, qui nous la fait connaître: « Mon Père et votre Père », disait-Il. Sa gloire était celle d'un fils unique de la part du Père (Jean 1;14). En outre, la certitude que nous possédons actuellement une telle relation filiale, est accompagnée de la connaissance de la grandeur de l'amour de Dieu qui s'est déployé à la croix de Jésus.

En envoyant son bien-aimé Fils dans le monde, Dieu s'est fait pleinement connaître; sa nature s'est dévoilée. Il est lumière, et Il est amour. Celui qui est venu nous le déclarer, c'est le Fils qui demeure dans son sein, objet de ses délices éternelles. Par lui, nous connaissons le Père; car, comme Jésus le dit à Philippe, celui qui désire comprendre quelles sont les pensées et les paroles du Père, n'a qu'à contempler le Fils; en Lui, il les trouve toutes, ainsi que les actes qui en découlent. Dans ce sens, le Seigneur dit: « Celui qui m'a vu, a vu le Père » (Jean 14;9-11).

Toutefois Dieu ne nous laisse pas à nous-mêmes afin que, par une marche en conséquence, nous manifestions que nous sommes ses enfants, devenus tels par un effet de sa pure grâce. Non, il est écrit: « Je ne te laisserai point et je ne t'abandonnerai point » (Hébreux 13;5). C'est un principe immuable des voies de Dieu dans tous les temps (Josué 1;5). Puis le Seigneur dit en outre: « Séparés de moi vous ne pouvez rien faire » (Jean 15;5). Dieu veut que nous restions dans sa dépendance, et qu'à cette condition bienheureuse, nous apprenions l'obéissance. C'est en cela que le Seigneur Jésus nous est un parfait exemple ; et Lui, « a appris l'obéissance par les choses qu'Il a souffertes » (Hébreux 5;8). En devenant homme ici-bas, Il n'a pas eu pour but de forcer les hommes à se soumettre à Lui, ni même d'employer sa puissance divine pour élever ses disciples et les placer sur des trônes d’où ils domineraient sur son peuple Israël. Ceux-ci auront en effet cet honneur plus tard; mais pendant que Jésus était avec eux, ils durent forcément apprendre le caractère humble inséparable du fait de son rejet; car leur Seigneur et Sauveur, en échange de sa grâce, n'a reçu que le mépris et la haine de la part des hommes. Chose triste à constater, Celui qui faisait les délices du Père, a été rejeté par les siens.

Ce fait, plus que tout autre, nous fait toucher du doigt l'état de ce monde. Et Satan se sert du monde pour détourner les cœurs des hommes et les éloigner de la source vivante de la grâce et du bonheur. Ses attaques ont une certaine utilité en ce qu'elles nous font mieux comprendre la tendance de nos pensées naturelles, afin que nous cherchions le seul remède pour les corriger effectivement, non pas en nous-mêmes, mais en Dieu.

Dieu a prononcé, quant au cœur de l'homme, cette sentence, que « la pensée de la chair est inimitié contre Dieu, car elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, car aussi elle ne le peut pas » (Romains 8;7). Nous lisons cela plusieurs fois peut-être, sans en faire une application personnelle à nous-mêmes. Combien de peine avons-nous à l'admettre pleinement! L'obéissance est une chose étrangère à notre nature ; en Jésus elle était parfaite. L'ennemi sait que nous sommes désobéissants, et il en profite pour nous engager à suivre le chemin de notre choix, tandis que le Seigneur nous montre le chemin de Dieu. L'ennemi nous pousse d'un extrême à l'autre, afin d'engager notre attention du mauvais côté, dans le but de nous vaincre plus facilement. La parole de Dieu est la seule arme capable de le repousser, et le Saint-Esprit enseigne de quelle manière il faut s'en servir ; elle est « l'épée de l'Esprit » (Éphésiens 6;17).

Envisageant les deux premières tentations de l'ennemi à ce point de vue, nous constatons que Satan invite d'abord le Seigneur à prendre soin de sa vie, sans se référer à Dieu; puis il veut qu'Il risque sa vie, afin de mettre Dieu à l'épreuve pour voir s'Il est fidèle en accomplissant sa promesse. Son but est toujours d’inspirer la défiance au sujet de Dieu, alors même qu'il prétend se conformer à ce qui est écrit.

Le peuple d'Israël faillit quant à ces deux choses dès le commencement du trajet d'Égypte à la terre de Canaan. Dès que leurs provisions apportées du pays d'Égypte sont épuisées, les Israélites se mettent à murmurer contre Moïse parce qu'ils n'ont plus de pain à manger ; ils « tentent » l’Éternel lorsqu'il n'y avait point d'eau à boire, en disant: « L’Éternel est-il au milieu de nous, ou n'y est-il pas ? » (Exode 16; 17). C'est toujours le même ennemi à l'œuvre; et la constance du Seigneur, en lui résistant; nous fait comprendre de quelle manière il peut être vaincu, savoir par la dépendance continuelle de Dieu et par l'obéissance. C'est là le seul chemin du bonheur. Dieu n'abandonna pas son peuple rebelle; les Israélites devaient faire l'expérience que Dieu pouvait faire pleuvoir du ciel et faire jaillir l'eau du rocher.

En venant contre le Seigneur Jésus, l'ennemi appuya ses tentations par ces mots: « Si tu es Fils de Dieu... » Jésus se garde bien d'ouvrir une discussion sur ce que Dieu avait déclaré à son égard. Il maintient simplement la place qui convient à l'homme dépendant, position indiquée d’avance dans les Écritures qui ne peuvent être anéanties. La tendance de nos cœurs est de nous exalter nous-mêmes en méconnaissant les droits de Dieu sur nous ; Jésus exalte Dieu, et Il s'attend à Lui. Il n'a nullement besoin de mettre Dieu à l’épreuve, car Dieu est toujours fidèle en accomplissant sa parole.

Pour nous, hélas, il est facile de tenter Dieu. N’est-il pas beaucoup plus facile de marcher par la vue que par la foi? Nous laisser diriger d’après ce que nous voyons, ne nous semble-t-il pas plus raisonnable que de nous contenter de ce que Dieu a dit? Mais Jésus repousse Satan en lui disant: «Il est encore écrit: tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.» L’ennemi perd alors son pouvoir; il ne lui reste qu’à se découvrir en présentant à Jésus le monde qui ne voulait pas de Dieu, et qui ne voulait pas non plus de Celui que Dieu avait envoyé (Jean 7;28-29.)

Ah! le monde, que d’attraits n’a-t-il pas pour nos pauvres cœurs! Les avertissements apostoliques ne sont-ils pas aussi pour nous? «L’amour du monde est inimitié contre Dieu», et «Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui» (Jacques 4; 4; 1 Jean 2;15-17.) Le Seigneur Jésus a dû éprouver cette inimitié au plus haut degré; de plus, tous les embellissements du monde et sa gloire, tant recherchée par les hommes, étaient pour Lui, entachées d’inimitié contre Dieu, et des tristes fruits d’une volonté pervertie sous l’instigation de Satan. Nous y pensons si peu, hélas! Et l’ennemi fait miroiter devant nous toutes les choses qui répondent à nos désirs charnels. Jésus était venu révéler Dieu ici-bas; ce seul fait attirait sur lui, le mépris de ceux qui, comme Il le leur disait, étaient «de ce monde» (Jean 8;23.) Mais, dans sa grâce parfaite, Il a consenti à subir l'assaut de Satan de ce côté aussi, afin de nous montrer de quelle manière nous pouvons le repousser, et trouver du courage pour refuser le « monde.»

En se présentant ouvertement comme Satan, et il ne pouvait faire autrement, puisqu'il réclamait pour lui-même le culte qui appartient à Dieu seul, le tentateur « lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire.» Il fait valoir ses droits de possession sur tout cela, en disant: « Je te les donnerai » mais à la condition de maintenir l'ennemi dans la place qu'il avait usurpée dès le début de l'histoire de l'homme: « Je te donnerai toutes ces choses », dit-il, « si, te prosternant, tu me rends hommage ». Ç'aurait été, en effet, un court chemin pour arriver au plus haut degré de pouvoir visible ici-bas, mais à quel prix ?

En pensant à cette audace extraordinaire de la part de l'adversaire, ne faisons-nous pas bien de sonder nos propres cœurs pour savoir si nous avons conscience de la terrible puissance cachée derrière les artifices de Satan ? L'ennemi de nos âmes est toujours à l’œuvre ; personne, mieux que lui ne sait étaler les attraits, les avantages, les appâts du monde, pour exciter nos convoitises et nous attraper dans ses filets. Et si nous lui faisons la moindre place, il sait comment en profiter pour nous perdre si possible.

Jésus ne veut pas discuter avec Satan sur ses droits. Il garde encore la place dépendante, pensant à Dieu avant toutes choses. Il résiste à l'ennemi, se servant toujours de l'épée de l'Esprit, en disant: « Va-t'en, Satan, car il est écrit : Tu rendras hommage au Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul » (Deutéronome 6;13).

Puissions-nous en faire de même, et jouir ainsi toujours davantage de cette communion à laquelle nous sommes appelés et dans laquelle Dieu veut nous maintenir. Il est fidèle (1 Corinthiens, 1;9). De sa propre initiative l'homme ne recherche pas Dieu (Psaume 14;1-2) ; mais Dieu est venu nous chercher; Il l'a fait dans la personne de son bien-aimé Fils, et Il désire nous garder toujours près de Lui.

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