UNE GRANDE LUMIÈRE

«Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière » (Ésaïe 9;20.)

Oui, « la lumière luit dans les ténèbres.» Telle est la déclaration de l'Esprit de Dieu; tel l'effet de sa grâce (Jean 1;5). Mais que de peine nous avons à comprendre combien les ténèbres sont grandes! Job, au milieu de ses souffrances, disait: « Il a mis des ténèbres sur mes sentiers », mais il lui fallut du temps pour que la lumière, brillant dans son âme, l'amenât à dire: «Maintenant mon œil t'a vu » (Job 19;8 ; 42;5). Le prophète Jérémie s'écria également: « J'ai regardé la terre, et voici, elle est désolation et vide, et vers les cieux, et leur lumière n'était pas » (chap. 4;23) comme auparavant les ténèbres étaient partout (Genèse 1;2). Il en était de même pour Ésaïe. Tout autour de lui, et jusque dans le lointain, le regard inspiré du prophète n'apercevait que « ténèbres », soit qu'il considérât l'état moral de son peuple, soit qu'il aperçût dans l'avenir les châtiments que son infidélité n'avait que trop mérités.

« Écoutez, cieux, et prête l'oreille, terre! » dit-il, « car l'Éternel a parlé: J'ai nourri et élevé des fils, et ils se sont rebellés contre moi. Le bœuf connaît son possesseur et l'âne la crèche de son maître ; Israël ne connaît pas, mon peuple n'a pas d'intelligence, Ha ! nation pécheresse, peuple chargé d'iniquité, race de gens qui font. le mal, fils qui se corrompent! Ils ont abandonné l'Éternel, ils ont méprisé le Saint d'Israël. » Un peu plus loin il ajoute: « Toute la tête est malade et tout le cœur fait défaut. Depuis la plante du pied jusqu'à la tête, il n'y a rien en lui qui soit sain : tout est blessure, et meurtrissure, et plaies vives; elles n'ont pas été pansées, ni bandées, ni adoucies avec l'huile. » Il voit le pays dévasté, les villes, brûlées parle feu; la terre de son peuple est aux mains de l'étranger, dévorée; et il la comparerait volontiers à Sodome et à Gomorrhe! (Ésaïe 1;2-9). Ensuite, continuant à regarder dans les siècles de l'avenir, il voit « le jour de l'Éternel. » qui va être manifesté en jugement contre tout ce qui s'exalte et s'élève, et contre tout ce qui est haut, que l'on « entrera dans les cavernes des rochers, et dans les trous de la terre, de devant la terreur de l'Éternel, et de devant la magnificence de sa majesté, quand il se lèvera pour frapper d’épouvante la terre» (chapitre 2;21.) Puis il en tire la conclusion d'une application présente à tous ceux qui ont des oreilles pour écouter: « Finissez-en avec l'homme, dont le souffle est dans ses narines, car quel cas doit-on faire de lui ? »

L'histoire de l'humanité tout entière se déroule ainsi devant ses yeux attristés. Et qu'elle est pleine de mal, pleine des péchés accumulés des hommes, péchés qui ne sont nullement limités au peuple choisi de Dieu, mais, à cause de ses forfaits, bien digne d'être abandonné !

Puis voilà que, soudain, au fond des âges, pour ainsi dire, au moment où il ne voit partout, dans le présent, que profondes ténèbres, et dans l'avenir, qu'épais nuages présageant la tempête, il découvre un point brillant d'où vient un rayon de lumière céleste, tellement resplendissante qu'il en est tout illuminé! Il reprend alors son style, et il écrit: « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre de la mort, la lumière a resplendi sur eux ! »

Il tient son regard fixé sur cette lumière éclatante, et il annonce pour l'avenir une ère de joie «comme la joie à la moisson.» Dieu lui donne de voir en même temps le grand événement sur lequel repose cet avenir, et il annonce d'où vient cette lumière : « Car un ENFANT nous est né, un FILS nous a été donné, et le gouvernement sera sur son épaule; et on appellera son nom: Merveilleux, Conseiller, Dieu fort, Père du siècle, Prince de paix.»

L'Esprit de Dieu ne s'arrête pas là, Il entre dans plus de détails, faisant encore voir au prophète la vierge qui allait enfanter Celui qui serait appelé «Emmanuel », c'est-à-dire : Dieu avec nous ! C'est bien Lui qui serait le «rejeton » sorti du tronc d'Isaï, la « branche de ses racines » portant du fruit. Et son fruit est du fruit « en sa saison », fruit permanent pour Dieu, ne tombant jamais. La puissance de l'Esprit de l'Éternel se pose sur Lui! À son nom d'Emmanuel est associée l'inauguration du règne de justice et de paix, tant désiré par le résidu fidèle du peuple, les « débonnaires » qui hériteront de la terre (Psaume 37;9, 11 ; Matthieu 5;5). Un «étendard » sera élevé devant les nations; « les exilés d'Israël» seront rassemblés, ainsi que «les dispersés de Juda, des quatre bouts de la terre » (chapitres 7;14 ; 9 à 11).

C'est alors que se réaliseront les vœux exprimés plus tard par Zacharie, libéré subitement de plusieurs mois de mutisme, lors de la naissance de son fils, indiqué d’avance par l'ange Gabriel, comme celui qui devait «préparer au Seigneur un peuple bien disposé ». Le vieux sacrificateur, instruit par l'Esprit Saint, entrevoyait le moment où le Dieu d'Israël se souviendrait de sa sainte alliance, accordant à son peuple la délivrance de tous ses ennemis, afin de pouvoir servir le Très-Haut sans crainte, « en sainteté et en justice » (Luc, 1;1-22, 67-79). Jean le Baptiseur, car c'était bien lui, le fils en question, devait préparer en effet le chemin du Seigneur (Ésaïe 40;3-5). Et le prophète voit le vrai « fils de David » déjà établi sur son trône, jugeant «dans la tente de David » en vérité et en droiture ( chapitre 16;5).

Sous le sceptre du Roi promis, la bénédiction sera « comme des ruisseaux d'eau dans un lieu sec » ; l'Esprit sera répandu d'en haut sur le peuple ; «l’œuvre de la justice sera la paix, et le travail de la justice, repos et sécurité, à toujours. » Alors aussi les yeux du peuple, ternis par la douleur (Deutéronome 28;65), contempleront le « Fils premier-né », « le Roi » dans sa beauté; puis, en ce jour-là, tous le reconnaîtront comme leur Sauveur (Ésaïe 32-33).

Quelle joie ce dut être pour le fidèle prophète de contempler le repentir final de ce pauvre peuple si coupable, quand il peut enfin s’écrier: « Dieu est mon salut ; j'aurai confiance et je ne craindrai pas » (chapitre 12; 2) Quel bonheur de trouver un repos paisible dans les compassions de Dieu qui ne feront jamais défaut; car Il va établir son peuple en repos sur la terre qu’Il lui avait donnée. Son oreille entend le peuple racheté à grand prix, acquis pour la « seconde fois », chanter sa délivrance, célébrant les conseils de Dieu qui « datent de loin »; et qui sont fidélité et vérité. Il regarde et il s'étonne, émerveillé! Quelle transition en effet de tant de tristesses, et de si épaisses « ombres de mort! » Quelle aurore d'allégresse après les douleurs de la sombre nuit de pleurs ! (Psaume 30;5). Que de joie remplit son cœur en contemplant Jacob prenant racine, Israël fleurissant, et remplissant de fruits la face du monde! L'Éternel lui-même est pour Israël une couronne de beauté, « un diadème d'ornement au résidu de son peuple » (chap. 28;51.)

Cependant Dieu est plus grand que ses plus riches dons, et avant d'accomplir les bénédictions promises, Il se réserve de paraître Lui-même, Dieu se manifeste en chair, Homme au milieu des hommes, humble comme nul autre, seul Saint au milieu des pécheurs, Sauveur de ceux qui sont perdus. C'est le Fils du Père venu pour révéler ce qu'est le Père pour Lui, et accomplir toute sa volonté, Marchant dans l'abaissement ici-bas, il n'est compris de personne, pas même de ses propres disciples qui le suivaient, Et l'Esprit Saint fait voir ces choses au prophète, toujours dans le but de consoler son peuple, et parlant au cœur de Jérusalem incrédule, comme il s'écrie plus tard : « Qui a cru à ce que nous avons fait entendre, et à qui le bras de l'Éternel a-t-il été révélé ? » Toutefois Dieu poursuit ses voies de grâce. Le prophète n'a qu'à écouter. Ésaïe voit donc le chemin du Seigneur préparé, puis le Seigneur venir, en effet, mais venir pour être méconnu et méprisé par ceux qui auraient dû le recevoir à bras ouverts. Il traverse ce monde, ne criant pas, n'élevant pas sa voix dans la rue, ne brisant pas le roseau froissé, n’éteignant pas le lin qui brûle à peine, Il voit Jésus suivant son chemin qui le mène à la croix, seule issue conduisant à la gloire, si nous devons y avoir part. L'esprit prophétique fait dire au Christ: « J'ai travaillé en vain, j'ai consumé ma force pour le néant et en vain ; toutefois mon jugement est par-devers l'Éternel, et mon oeuvre par-devers mon Dieu.» Puis Dieu lui répond: « C'est peu de chose que tu me sois serviteur pour rétablir les tribus de Jacob et pour ramener les préservés d'Israël ; je te donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu'aux bouts de la terre» (chapitre 49;4-6).

Comme résultat définitif, le monde sera converti au Seigneur, et la création délivrée; la justice et la paix domineront depuis une mer jusqu'à l'autre. Mais à quel prix tout cela se réalisera-t-il ? Les détails fournis quant au chemin des souffrances du Seigneur, en sont la seule explication. Son dévouement jusqu'à la mort pouvait seul nous donner part à la gloire du royaume. Sans la mort, Il serait resté seul dans sa propre perfection; personne n'eût pu avoir part avec Lui (Jean 12;2,4). En conséquence, Celui qui doit régner donne son dos à ceux qui frappaient, et ses joues à ceux qui arrachaient le poil; Il n'a pas caché sa face à l'opprobre et aux crachats! « Il a été l'Agneau de Dieu » se donnant pour porter les iniquités de plusieurs, afin de pouvoir intercéder pour les transgresseurs! Aussi le prophète s'arrête-t-il à le contempler montant « comme un rejeton, et comme une racine sortant d'une terre aride. » Il n'y a, dit-il, en Lui, « point d'apparence pour nous le faire désirer. Il est méprisé et délaissé des hommes, homme de douleurs, et sachant ce que c'est que la langueur, et comme quelqu'un de qui on cache sa face; il est méprisé et nous n'avons eu pour lui aucune estime. » Ensuite vient la raison divine pourtant d'humiliation et de souffrances; Il n'était pas venu « pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Matthieu 20;28). Et le prophète continue: « Certainement, lui, a pris nos langueurs, et s'est chargé de nos douleurs; et nous, nous l'avons estimé battu, frappé de Dieu, et affligé; mais il a été blessé pour nos transgressions, il a été meurtri pour nos iniquités; le châtiment de notre paix a été sur lui, et par ses meurtrissures nous sommes guéris » (chap. 53;2-5).

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Cette magnifique vision du prophète s'accomplissait, sept siècles plus tard, à la lettre; Jésus naissait à Bethléhem, selon la prophétie de Michée. Lorsqu'on apporta dans le temple le petit enfant, un homme pieux, qui, par la foi, avait, lui aussi, vu cette grande lumière, le prend dans ses bras, et s'écrie : «Maintenant, Seigneur, tu laisses aller ton esclave en paix selon ta parole; car mes yeux out vu ton saint, lequel tu as préparé devant la face de tous les peuples: une lumière pour la révélation des nations et la gloire de ton peuple Israël » (Luc 2;25-32). Et voilà la « grande lumière » au milieu des hommes! Mais qui la voit ? La lumière, dit Jean, « luit dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l'ont pas comprise. » Le précurseur était là pour rendre témoignage de la lumière; c'était, dit-il, la « vraie lumière, celle qui, venant dans le monde éclaire tout homme.» Elle était apparue au soir de l'histoire de l'humanité, comme avait dit le prophète Zacharie: « Au temps du soir, il y aura de la lumière » ; mais ceux qui avaient leurs yeux aveuglés par le monde, ne la voyaient pas. Jésus lui-même fait connaître cependant le secret de la grâce, en disant: « Moi, je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie» (Jean 8;12). Parmi les hommes il y en a eu quelques-uns qui ont vu cette grande lumière. N'est-il pas doux d'entendre Jean s'écrier: «Nous avons vu sa gloire, une gloire comme d'un fils unique de la part du Père.» La Parole, devenue chair, était pleine de grâce et de vérité.

Jésus traverse ce monde, allant de lieu en lieu, faisant le bien, et apportant la vue aux aveugles qui, jusque-là, n'avaient pas su discerner les pensées de grâce que Dieu avait à leur égard. Jésus guérit les malades, ressuscite des morts, rend nets des lépreux, pardonne les péchés de celle que le repentir amenait à ses pieds. Toutefois sa grâce, et son service de dévouement ne pouvaient s'arrêter là; car Il était venu, non seulement pour éclairer et guérir, mais pour sauver. Il doit aller à la croix ; le bon berger doit donner sa vie pour ses brebis.

« Pendant que je suis dans le monde », avait-Il dit, « je suis la lumière du monde » (Jean 9;5); mais une fois retourné là où Il était de toute éternité, qu'en serait-il du monde? Les ténèbres ne pouvaient qu'assombrir la scène, ténèbres plus profondes que jamais. La défection de l'ancien peuple de l'Éternel, décrite jadis par le prophète, avait été terrible, même désespérante, mais, à la croix de Christ, Satan régnait suprême; dorénavant c'est lui qui est «le chef du monde » (Jean 12;31 ; 14;30). Toutefois, c'est à la croix aussi que le chef de ce monde trouve son jugement. Et pendant le temps de son absence, Jésus a pourvu, d'une manière touchante, au triste état de la terre privée de la présence du Christ. Il n'a pas voulu que les ténèbres soient absolues; Il dit aux siens: « Vous êtes la lumière du monde. » Chaque racheté, scellé par le Saint Esprit, devient un petit « luminaire » (Philippiens 2;15). Ceux qui resteront en communion avec Lui, ceux qui vivront ici-bas de sa vie, resplendiront donc en quelque sorte, non de leur lumière à eux, mais de cette merveilleuse lumière d'en haut qui a relui dans leurs cœurs, faisant luire « la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ » (2 Corinthiens 4;6).

Ainsi, Jésus meurt, et les ténèbres couvrent la scène du Calvaire, tandis que la façon dont Jésus rend l'esprit force un centenier romain à s'écrier: «Cet homme était juste. » Jésus est enseveli, mais Il sort victorieux du tombeau et « la lumière » brille encore une fois aux regards étonnés de ceux qui, instruits de sa résurrection, n'osent pas y croire jusqu'à ce que des témoignages oculaires les y contraignent.

Puis, sa mission terminée, Il s'en va au ciel, où la foi le contemple à présent, à la droite de Dieu.

Cher lecteur, avez-vous vu cette « grande lumière » qui, en se répandant sur un homme, l'illumine et pénètre son cœur, cette lumière qui est aussi la vie, la vie éternelle ? Si vous n'avez pas encore été éclairé, vous êtes toujours « dans vos péchés», oui, vous êtes dans les ténèbres; et si vous demeurez en cet état, votre part sera « dans les ténèbres du dehors », là où il y a pour toujours «les pleurs et les grincements de dents.» Quelle grâce pour celui qui vit au milieu de ce monde agité, vain et frivole, d'avoir son attention dirigée sur les réalités éternelles! Quand la lumière divine resplendit dans l'âme, la conscience est aussitôt convaincue, non seulement que l'on a gaspillé sa vie à la poursuite de ce qui ne rassasie pas, mais que l'on a fait pis encore, en la dépensant dans le péché et la révolte contre Dieu. Veuille le Seigneur faire que vos yeux s'ouvrent pour voir et vos oreilles pour écouter, avant que ce soit trop tard et qu'il n'y ait plus pour vous que l'éternel regret d'avoir fermé vos cœurs à l’amour de Dieu et vos yeux à sa lumière !

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