LE SAVANT ET LE SAVETIER

Un professeur de la Faculté des Lettres de Paris avait fait la connaissance d'un évangéliste. C'était un homme droit, mais sceptique sur le terrain religieux.

-Votre conduite, dit-il un jour à l'évangéliste, m'inspire une grande admiration, et j'ai toujours désiré connaître les principes qui dirigent votre vie. Pour mon compte, j'ai fait l'essai d'un système religieux, mais ma raison s'est révoltée contre ses enseignements et je me suis fait une position de neutralité philosophique, tout en respectant les croyances des autres. Cependant, si vous avez un livre traitant des doctrines que vous professez et des doctrines qui règlent votre vie, je serais heureux de le lire.
-J'ai un admirable traité, écrit par un des premiers convertis à la foi chrétienne. Je vous le prêterai. C'est l'épître de l'apôtre Paul aux chrétiens de Rome.
-C'est absurde, répondit le professeur ; je vous demande pardon de l'expression, mais je l'ai lue plusieurs fois et je n'y ai trouvé qu'un jargon inintelligible.
-Soit, c'est cependant l'exposition systématique et en même temps fondamentale de la foi chrétienne; et si vous désirez réellement comprendre cette lettre, j'insiste pour que vous la lisiez de nouveau avec grande attention.
-J'en ai fait l'essai, répondit le professeur. Il est pour moi concluant. J'ai lu le premier chapitre et je n'y ai rien compris, le deuxième valait encore moins, et quand j'en fus au troisième je repoussai le livre avec dégoût. Véritablement, s'il fallait une preuve de plus pour démontrer que cette religion n'est qu'une illusion, cette épître de Paul la fournirait. Une religion venant de Dieu doit être si facile à connaître que le plus ignorant puisse la saisir.
-Et bien! reprit l'évangéliste, si vous voulez faire une visite à un pauvre savetier qui fait partie de notre congrégation, vous vous assurerez que cet homme illettré comprend ces choses mieux que vous et moi.
Soit, dit le professeur; je serais vraiment curieux de voir un de ces ignorantins plus capables que moi de comprendre l'épître aux Romains. Vous pouvez y compter, j'accepte le défi, pour vous et pour lui, en accédant à votre invitation. Donnez-moi l'adresse de ce prodige.
La visite fut faite. « Mon ami, dit le professeur au savetier, votre pasteur m'assure que vous pouvez expliquer l'Ecriture Sainte. Nous sommes seuls, et je vous promets de ne révéler à personne ce que vous me confierez. Il faut pourtant convenir, et la raison vous dit que si moi, homme d'étude et professeur, n'y entends rien, à plus forte raison, vous qui n'avez pas étudié. Il vaut mieux l'avouer franchement.
-Ah! Monsieur, j'ai quelque chose que vous n'avez pas, malgré votre science, dit le savetier.
Et qu'est-ce, je vous prie ?
-Le Saint Esprit, répondit le savetier avec solennité; et si vous recevez la lumière qu'Il donne, vous aussi, vous comprendrez les Écritures. »

Il raconta alors, avec sa manière simple, l’histoire de sa conversion. Comment Dieu lui avait révélé qu'il était un pécheur perdu et sans ressource; et comment, ayant conscience de son état, il avait été amené à voir en Jésus un parfait Sauveur, tel qu'il le lui fallait, et comment en regardant à Jésus ; il avait été lavé de ses péchés et avait reçu une nouvelle nature en même temps que le Saint Esprit, lequel l'avait enseigné dans les Écritures. Le professeur passa toute la matinée avec son humble instructeur, ému profondément par le simple et puissant témoignage rendu par le savetier, à l'amour qu'il connaissait et qui remplissait son cœur d'une joie « ineffable et glorieuse. »

À son retour, s'adressant à l'évangéliste, avec une émotion qu'il ne pouvait cacher :

« Vous m'avez dit la vérité, Monsieur, quand vous m'avez affirmé que votre ami en savait plus long que vous. J'ai eu aujourd'hui une leçon de théologie qui m'a bouleversé. »
Le lendemain, il lui dit encore: « J'ai relu les trois chapitres de l'épître aux Romains, qui m'avaient autrefois tant déplu, mais j'ai fait cette lecture en demandant à Dieu qu'Il m'éclaire. Dans le premier chapitre, j'ai vu comment l'homme a perdu la connaissance de Dieu et s'est entièrement corrompu, s'étant fait une divinité selon son imagination.
Dans le deuxième, j'ai vu comment un peuple que Dieu avait choisi, a suivi la même voie et a été entraîné dans la commune ruine.
Dans le troisième, j'ai vu que moi, comme tous les autres, d'un rang élevé ou humble, ignorants ou instruits, je n'étais, en présence de Dieu, qu'un pécheur perdu sans ressource ; c'était la vérité que je ne voulais pas voir auparavant et qui m'indignait ; mais j'ai vu aussi que Jésus a été envoyé précisément pour être la propitiation pour mes péchés. Oh ! quelle source merveilleuse d'amour, de justice et de sagesse ! et je me réjouis de savoir que mes péchés sont ôtés pour toujours. Et moi aussi, s'écria-t-il, je suis maintenant un enfant de Dieu par la foi en Christ !

 

 

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