UN OBJET DE LA GRACE.

Il est de ces passages de l'Écriture qui, en peu de mots, renferment de grandes vérités précieuses et fondamentales. Ainsi nous lisons dans l'épître aux Éphésiens: « Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu » (chapitre 2;8). Sans la grâce de Dieu, le salut est impossible pour un pécheur. En même temps, cette grâce est indispensable au croyant pendant sa course ici-bas; elle seule, moyennant la foi active dans l'âme, peut le rendre capable de marcher d'une manière digne du Seigneur.

Dans le passage cité en tête de ces lignes, nous voyons d'une façon frappante le déploiement touchant de cette grâce à l'égard de celui qui en est devenu l’objet, sans toutefois que celui-ci recherche la grâce ou qu'il en sente la nécessité. Ce qui est dit du docteur de la loi vient nous en fournir la preuve.

Malgré sa science, le docteur de la loi ignore son état et ses vrais besoins; en outre Il ne connaît pas Christ, sa question: « Maître, que faut-il que j'aie fait pour hériter de la vie éternelle ?» Et, pouvons-nous ajouter, son intention en la formulant, ne trahissent-elles pas son véritable état ? Il ne se connaît pas mieux lui-même qu'il ne connaît le Seigneur auquel il s’adresse. Il n’aurait certes pas eu la prétention d’éprouver Celui qui sait tout, s'il L’eut réellement connu; et s'il avait eu conscience de son entière incapacité, la question ne serait jamais sortie de sa bouche. Au surplus, c’était ignorer complètement le but de la venue du Seigneur ici-bas. N'a-t-il pas dit: « Le fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu? » (Luc 19;10.) Aussi le Seigneur renvoie-t-Il son interlocuteur à la loi, car c’est la loi qui fait connaître à l’homme ce qu’il doit faire pour ne pas mourir, en pécheur coupable qu'il est; la loi le condamne d'avance. C'est comme s'Il eût dit au docteur de la loi: « Tu me demandes ce que tu dois faire... mais il y a longtemps déjà que Dieu l'a déclaré » - «Qu'est-il écrit dans la loi ? Comment lis-tu ? » En homme qui connaît parfaitement la loi, il repond : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme, et de toute ta force; et de toute ta pensée» (Deutéronome 6;5), « et ton prochain comme toi-même» (Lévitique 19;18.) Sa réponse ne laisse évidemment, rien à désirer, mais, sans s'en douter, il vient mettre une épée dans la main du Seigneur,l'épée de la loi, et le Seigneur, dans sa parfaite sagesse, l'applique à sa conscience, en lui disant: « Fais cela, et tu vivras.»

Désirant se justifier lui-même, le docteur de la loi cherche habilement à l'écarter en prétextant son ignorance du prochain qu'il doit aimer. N'est-ce pas, en quelque sorte, faire aveu de culpabilité lorsqu'il dit: « Et qui est mon prochain ? » Comment aurait-il pu aimer celui qu'il ne connaissait pas ?

Avec une grâce parfaite, le Seigneur va répondre à cette demande dans la touchante parabole dont l'interprétation différait de fond en comble des pensées du docteur de la loi. Est-il bien nécessaire que le prochain fasse connaître ses titres, pour que l'on soit rendu plus capable de l'aimer, comme la loi le réclame ? Mais le Seigneur va lui faire connaître un prochain merveilleux venu en grâce pour l'accomplissement de la volonté du Père, et qui aime celui qui n'est rien moins qu'aimable, un « prochain » dont le docteur de la loi aussi avait besoin.

Oui, tu quittas, Seigneur! ta demeure éternelle

Et voulus ici-bas être notre prochain ;

Tu t'abaissas vers nous dans ton amour divin,

Pour guérir de nos cœurs la blessure mortelle.

Hélas, l'on a pris occasion de l'abaissement du Seigneur pour le mépriser et le rejeter; ne Lui a-t-on pas même dit ouvertement : « Tu es un Samaritain » (Jean 8;48.) Cependant, qui dira jusqu'où est allé son amour pour nous ?

Quel contraste frappant entre la loi et l'évangile ! Celle-là nous parle d'un prochain que l'on est tenu d'aimer afin de jouir de la bénédiction promise, chose impossible à l'homme pécheur, tandis que l'évangile nous fait connaître un prochain qui dans son amour pour nous a opéré la rédemption pour des pécheurs ne méritant que le jugement.

En faisant le jour sur la condition de l'homme pécheur, le Seigneur remonte jusqu'à son origine dans le paradis terrestre. Par le livre de la Genèse, nous apprenons que le bonheur de l'homme en Éden fut de courte durée, sa désobéissance à Dieu lui ayant fait perdre, avec l'innocence, la place heureuse qu'il occupait.

Pour un Juif. Jérusalem était le lieu et le centre de la bénédiction; là, l'Éternel avait placé la mémoire de son nom. Jéricho rappelait que le jugement et la malédiction sont la part de ceux qui suivent leurs passions et leur volonté propre. N'est-ce pas là le sombre et inévitable avenir qu'a en perspective l'homme pécheur ? Et, présentement déjà, celui-ci est tombé sous l'influence et la puissance de Satan.

L'ennemi l'a complètement dépouillé et laissé dans l'état misérable où il se trouve. La question se présente alors : Le pécheur laissé à lui-même est-il capable d'opérer son salut ? Ou encore, la loi, a-t-elle le pouvoir de lui venir en aide et lui faire réaliser la bénédiction perdue ? La loi sainte, juste et bonne ne donne rien à l'homme; au contraire, elle exige de lui l'obéissance, une obéissance pleine et entière : elle se présente les mains vides, afin de recevoir la justice de la part de ceux qui ne sont pas justes! Quelqu'un a-t-il pu jamais satisfaire à ses justes exigences ? Vous, lecteur, l'avez-vous fait? La main sur la conscience, répondez, si vous le pouvez. Pourquoi donc la loi a-t-elle été donnée? L'Écriture nous le dit. La loi est intervenue afin de mettre l'homme pécheur à l'épreuve et lui faire découvrir le mal profond dont il est atteint, sa complète incapacité à faire le bien que Dieu exige de lui, et à mériter de Sa part quelque faveur. Elle donne à connaître que notre état est désespéré. Elle fait cela afin de détourner nos regards de nous-mêmes ou d'un aide quelconque, et de les arrêter sur le parfait et puissant Sauveur que Dieu nous a donnés (Galates 3;22.) En un mot, notre état devant Dieu est celui de l'homme tombé entre les mains des voleurs.

Combien cela est important à comprendre ! Le sacrificateur et le lévite, ces deux représentants de la loi cérémoniale ou morale, passent à côté de lui, sans lui témoigner aucune sympathie; ils ne lui sont absolument d'aucun secours. Venus là « par aventure », ils passent outre, laissant le pauvre homme comme ils l’ont trouvé, peut-être même parce que celui-ci avait toutes les apparences de la mort. Il était défendu aux représentants de la loi de s'approcher d'un mort au risque de se souiller eux-mêmes. La loi ne peut venir en aide à l'homme à cause de l'état dans lequel il est. Le sacrificateur faisait son service à l'autel, cet homme ne pouvait y aller; le lévite faisait connaître la lettre de la loi, cet homme ne pouvait l'entendre: sa condition les empêche de servir celui qui était à demi-mort. Tout espoir de délivrance est évanoui pour lui. Quelle position désespérée !

Grâces soient rendues à Dieu, c'est Lui qui délivre ! Ces précieuses déclarations du chapitre 2 de l'épître aux Éphésiens nous l'apprennent: «Mais Dieu qui est riche en miséricorde, à cause de son grand amour, dont il nous a aimés, alors même que nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés ensemble avec le Christ » (2; 4-5.) Il est venu, en grâce, dans la personne de son Fils pour porter remède à notre misérable état.

Le «Samaritain » de la parabole ne s'approche-t-il pas, lui, de l'homme tombé entre les mains des voleurs ? Il est ému de compassion et s'occupe de lui avec dévouement et affection. N'a-t-il pas aussi sur lui tout ce qui est nécessaire pour y répondre ? Tout méprisé qu’il fût, il n'est pas là par aventure, comme les deux autres: « il faisait son chemin. » Comme tout cela- nous parle du Sauveur que Dieu nous a envoyé! Il a suivi d'une manière parfaite le chemin que le Père lui a tracé. Sa volonté était que, nous fussions sauvés et bénis pour l'éternité.

Combien la grâce déployée envers nous diffère-t-elle de la loi et de ses exigences ! La grâce produit la compassion; mais en outre elle apporte ce dont l'âme a besoin et elle y pourvoit avec empressement. Le bien-aimé Sauveur, en qui elle est apparue, ne vient-Il pas répandre sur les plaies cuisantes que le péché a faites ce qui est de nature à les adoucir, et les cicatriser? Ce sont les remèdes divins préparés à la croix: « Par ses meurtrissures nous sommes guéris » (Ésaïe 53;5.)

Souvent le pécheur a encore assez de force pour écarter la main étendue vers lui afin de le sauver; n'ayant pas conscience de son état de ruine complète, il trouve qu'il serait humiliant pour lui d'accepter le salut comme une grâce. Mais le malheureux de la parabole est à l'extrémité; aussi laisse-t-il son bienfaiteur lui prodiguer tous ses soins. La grâce apporte ainsi à l'âme ce dont elle a besoin: Quelle heureuse rencontre que celle du Sauveur avec le pécheur perdu ! Quel bonheur de jouir du salut et d'être passé de la mort à la vie !

La confession de Pierre: « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Matthieu 16;16), est la foi chrétienne. Bientôt la foi fera place à la vue: nous verrons le Fils tel qu'Il est; mais la grâce de Dieu, toute grande qu'elle est à l'égard du pécheur repentant, ne se borne pas aux soins prodigués sur lui, lorsqu'il a été trouvé dans l'état désespéré indiqué par le terme « à demi-mort. » Cette même grâce est aussi indispensable au croyant pour toutes les étapes de la course terrestre et pour toutes les circonstances de sa vie. Par elle, il est rendu capable de marcher ici-bas d'une manière digne de Celui qui l'a sauvé. La parabole nous en fournit une preuve. La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ (Jean 1;17.) « La vérité » fait connaître notre état, « la grâce » y apporte le remède convenable.

Le bienfaiteur n'abandonne pas l'homme tombé entre les mains des voleurs. Il continue à prendre soin de lui avec affection; il le place sur sa monture et le conduit à l'hôtellerie. Il sait bien qu'il est incapable de se tirer d'affaire; ayant été dépouillé, et couvert de blessures, il est sans force et sans ressources. Son Sauveur, plein de compassion, agit en conséquence, s'on amour pour lui ne s'épuise pas. N'avons-nous pas là une précieuse indication de ce que fait le Seigneur en faveur de ses rachetés ? Son amour ne saurait être dépassé ; il est en même temps immuable et éternel. Nous lisons que: «ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, Il les aima jusqu'à la fin » (Jean 13;1.) Son départ de ce monde n'a rien changé à son amour, ni à son intérêt en eux. Il en est de même pour nous. Que ne fera-t-Il pas?

Certes, nous avons sans cesse besoin des soins du Seigneur, des ressources qu'Il a par-devers Lui. Car, en nous-mêmes, nous sommes dépourvus et sans force. En vue de cela, nous devons demeurer constamment dans sa dépendance. N'oublions pas ce qu'Il dit à l'un des plus dévoués de ses serviteurs au moment où la foi de celui-ci était sévèrement mise à l'épreuve, parce qu'il ne comprenait pas les voies du Seigneur à son égard ; Il l'encourage en lui disant: « Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans l'infirmité » (2 Corinthiens 12;9). Dans une situation semblable, nous sommes forcés d'avoir recours à Dieu, et les expériences du psalmiste deviennent pour nous une bienheureuse réalité : « Bienheureux l'homme dont la force est en toi, et ceux dans le cœur desquels sont les chemins frayés; passant par la vallée de Baca, ils en font une fontaine; ...ils marchent de force en force, ils paraissent devant Dieu en Sion » (Psaume 84;5-7.)

Le Seigneur est pour nous une source inépuisable de force et de courage; son secours est toujours proportionné au besoin auquel Il répond au moment opportun. Sa puissance et son amour sont infini, et ce n'est jamais en vain que l'on compte sur Lui. Nombreux sont ceux qui en ont fait l'expérience !

Le bienheureux apôtre Paul, écrivant à ses frères; les croyants de Philippes, dans un moment particulièrement difficile, pouvait leur dire: « Je puis toutes choses par Celui qui me fortifie. . (Philippiens 4;13). Et plus tard encore, dans la période la plus pénible de son service, il a pu rendre ce témoignage à la gloire de son Seigneur: «Le Seigneur s'est tenu près de moi, et m'a fortifié » (2 Timothée 4;17). Puissions-nous aussi en temps utile, ajouter notre témoignage personnel à cette vérité, pour l'encouragement de ceux qui se trouvent dans des circonstances pénibles!

Le compatissant «Samaritain » doit poursuivre son chemin. Mais, auparavant, il a eu soin de mettre en lieu sûr son protégé qu'il recommande à l'hôte d'une façon toute particulière. Là, entre bonnes mains, il est aux frais de son bienfaiteur « jusqu'à son retour. » N'y a-t-il pas là une autre leçon pour nous? Le Seigneur dit au docteur de la loi : « Va, et toi fais de même.» Cela ne rappelle-t-il pas ce que nous lisons un peu plus loin dans cet Évangile: «Bienheureux est cet esclave-là que son maître, lorsqu'il viendra, trouvera faisant ainsi» (Luc 12;43.) Le libérateur de l'homme laissé à demi-mort, avait lui-même montré à l'hôtelier tout ce qu'il y avait à faire pour son protégé: il «eut soin de lui. » Tant qu'il était là, il ne remettait à personne cette besogne. La compassion qui l'avait d'abord engagé à le secourir, ne se dément pas ; elle se traduit encore en les soins successifs dont le pauvre homme est l'objet, son bienfaiteur veut sa guérison complète.

Ne sommes-nous pas appelés, nous aussi, à faire « de même? » Ayant été sauvé par cette grâce merveilleuse qui nous a tirés de notre misère, n'avons-nous pas le saint devoir de penser à tous les nécessiteux pour leur proportionner les soins que réclame leur état, leur donnant au temps convenable leur ration de blé? » Puis, souvenons-nous que tout est à la charge du Sauveur; car Il a dit: « Ce que tu dépenseras, moi, à mon retour, je te le rendrai. »

Mais, dans l'Évangile de Jean, au moment où le Seigneur quittait ses disciples, pour s'en retourner auprès du Père, Il leur fait entendre quelque chose de plus. Au lieu de les remettre les uns aux autres, Il pense avant tout à son Père, et c'est à Lui qu'Il remet les objets de son tendre amour (Jean 17.)

Quelle précieuse consolation pour nous aussi, car tous ses rachetés jouissent de la même faveur. Ne sommes-nous pas heureux d'être les objets d'une grâce aussi riche, en attendant son prochain retour, une grâce qui s'étend aux nations, alors toutes idolâtres, aussi bien qu'aux descendants d'Abraham selon la chair, héritiers de l'alliance et des promesses ? Mais Il est le Seigneur de tous, riche envers tous ceux qui l'invoquent » (Romains 10;12), et sa grâce est aussi « avec tous les saints » jusqu'à ce moment-là (Apocalypse 22;21.)

Il est une autre chose à faire remarquer. Le bienfaiteur de la parabole ne remet que deux deniers à l'hôte en faveur de son heureux protégé; c'était assurément donner à entendre que son retour ne tarderait pas. Et le Seigneur nous a dit textuellement: « Voici, je viens bientôt ! » Attendons-le donc incessamment avec affection, avec ardeur: « Bienheureux sont ces esclaves que le Maître quand il viendra trouvera veillant. En vérité, je vous dis qu'il se ceindra et les fera mettre à table, et, s'avançant, il les servira » (Luc 12;37). Quelle grâce inattendue! Il va continuer dans les cieux les soins dont Il a usé ici-bas sur la terre ! Le croyons-nous ? Le Seigneur le confirme (Luc 22;30.) Puissions-nous être fortifiés par cette espérance, «abondant toujours dans l’œuvre du Seigneur » sachant qu'en Lui notre travail ne peut être vain ( 1 Corinthiens 15;58).

En attendant la récompense céleste, et encouragés par son secours indispensable, nous serons rendus capables d'accomplir, non seulement ce que réclame la loi, mais encore nous serons heureux de pouvoir faire la volonté de Celui qui a dit: « Va, et toi fais de même. » Enseignés par la grâce qui nous a appelés, nous pourrons vivre «dans le présent siècle sobrement et justement, et pieusement, attendant la bienheureuse espérance et l'apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ » (Tite 2;12-13.) Puissions-nous dire, comme le bienheureux apôtre Paul: «L'amour du Christ nous étreint, en ce que nous avons jugé ceci, que si un est mort pour tous, tous donc sont morts, et qu'il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui pour eux est mort et a été ressuscité» (2 Corinthiens 5;14-15). En Christ seul, et non dans la loi, se trouve la force du croyant. Il est aussi le parfait modèle de la marche ici-bas et nous sommes exhortés à marcher «comme Lui a marché. » - « Par Ceci nous avons connu l’amour, c’est qu'il a laissé sa vie pour nous; et nous, nous devons laisser nos vies pour les frères » (1 Jean 2;6 ; 3;16.)

Que Dieu nous fasse la grâce à tous de ne pas l'oublier !

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