« DAVIS »

« Va, et toi fais de même. » Luc 10;37.

Le bien-aimé frère dont le nom figure en tête de ces lignes naquit à la Barbade, l'une des Antilles, en 1842, d'une famille libre et chrétienne. Ses aïeux avaient été arrachés par la traite à leur patrie et emmenés en esclavage. De bonne heure son cœur fut touché à salut, car dès sa jeunesse il manifesta des convictions chrétiennes profondes, qui se traduisaient par son caractère doux et aimant.

« De tous mes enfants », écrivait la mère de Davis, « c'est lui qui a toujours eu pour moi la plus tendre affection et, s'il voyait que j'avais du chagrin, il pouvait s'en affliger et pleurer jusqu'à ce qu'il tombe de sommeil. »

Sa famille jouissait d'une certaine aisance ; il put ainsi, selon son désir, faire des études médicales. La tendresse de son cœur lui inspira le besoin de se vouer au soulagement de ses semblables. Après avoir suivi quelques écoles des Antilles, il se rendit en Angleterre pour y achever ses études.

À Londres, où il débuta, il s'attira l'affection toute particulière du célèbre philanthrope M. Rolland, qui fut frappé de la fidélité de son protégé à son devoir. C'est à Aberdeen, en Écosse, où il se rendit ensuite, qu'il reçut le diplôme de Docteur en Médecine. Ses études ne l'empêchaient pas de développer une grande activité chrétienne : Il éprouvait le besoin de mettre au service de son divin Maître les dons qu'Il lui avait confiés. « Le son même de sa voix », écrit un de ses amis, « gagnait aussitôt le cœur et en faisait vibrer les cordes les plus profondes ; pour les malades et les mourants auxquels il annonçait l'évangile, c'était comme le chant du rossignol pendant la nuit. Et quel sourire que le sien ! Il y avait dans tout son être quelque chose de singulièrement attrayant, et, comme rien n'échappait à son regard vif et prompt, sa main de même était toujours prête à porter secours à celui qui en avait besoin.» Il prenait le plus vif intérêt au relèvement des pauvres et au soulagement des malheureux, toujours sans la moindre ostentation, cachant les bonnes œuvres qu'il pouvait faire, demandant même qu'on les tint dans un oubli complet.

C'est dans un hôpital de Londres qu'il commença à pratiquer la médecine; il se fit remarquer par la fermeté de ses convictions chrétiennes, son habileté extraordinaire et sa serviabilité à toute épreuve. Davis venait d'être nommé professeur à l'hôpital de Saint-Barthélemy, lorsque le tableau des affreuses misères des troupes stationnées autour de Sedan le poussa à renoncer à ce poste pour aller vouer ses soins au soulagement des malheureux soldats.

Il partit en septembre 1870, avec des ressources pécuniaires considérables, car un de ses amis lui avait remis, à lui seul, en faveur des victimes de la guerre, une somme de 25 000 francs ; il se rendit près de Sedan et trouva, à Pont de Mongy, 530 Bavarois malades du typhus, couchés sur le sol, couverts de vieux sacs d'emballage et dénués de tout secours ; leurs provisions se réduisaient à une bouteille d'eau-de-vie et deux oranges. Portes et fenêtres étaient closes, en sorte que l'air était des plus viciés et des plus morbides. Quatre malades venaient d'expirer avant son arrivée; un mourut pendant qu'il faisait sa ronde, et trois ou quatre étaient à l'agonie.

A ce spectacle, le cœur du docteur s'émeut : « Pauvres hommes, s'écrie-t-il, mais qu'en est-il de vos âmes ?» Il regrette amèrement de ne pouvoir leur parler, car il ne sait pas l'allemand, et s'adresse avec instance à ceux de ses frères en Angleterre qui parlent cette langue pour les supplier de venir en aide à ses patients.

« Oh! que ne connaissons-nous davantage ce christianisme pratique qui pousse à imiter Celui qui allait partout faisant du bien : il est excellent d'étudier la Vérité, mais nous ne devons négliger aucune occasion de la mettre en pratique.»

« Pour parler de Jésus à une seule âme, disait-il aussi, il vaudrait certes la peine de prendre un billet aller et retour, de Londres jusqu'à Sedan.»

Dieu répondit à ses vœux et envoya de précieux auxiliaires qui partagèrent sa responsabilité et ses fatigues, aussi bien que ses sujets de joie. Il put se procurer des matelas pour des centaines de malades et s'établit au milieu d'eux, pressé du besoin de leur consacrer tout son temps. Jour et nuit il était occupé à maintenir dans ses lazarets l'ordre et la propreté, et à répondre à tous les besoins qui venaient se manifester ; il veilla même avec une munificence princière à ce que les malades confiés à ses soins reçussent la meilleure nourriture possible. Et chaque fois qu'il avait pu se procurer un plat nouveau, on le voyait se frotter les mains de bonheur et on l'entendait dire : «Bon, bon, voilà une excellente affaire ! »

Comme il ne faisait rien sans avoir réclamé la lumière d'en haut et qu'il recommandait journellement ses patients au Seigneur, il put manifester en tout et partout une assurance et un calme parfaits. Quand les médecins du voisinage avaient abandonné un malade, il ne pouvait se résoudre à désespérer de son état et savait toujours encore trouver quelque moyen à essayer. Aussi les soldats bavarois lui avaient-ils voué une affection sans bornes.

Et ses soins s'étendaient non seulement à eux, mais aussi à toutes les troupes cantonnées autour de Sedan ; avait-il fait sa tournée auprès de ses malades, on le voyait parcourir tout le champ de bataille, chercher partout les malheureux à relever.

Outre les soins médicaux, il organisa des soupes économiques pour les paysans français des environs. II est certain que des centaines de personnes ne durent leur salut après de Dieu qu'à son inépuisable bonté.

Mais tant d'émotions devaient être funestes à l'intrépide docteur ; à l'hôpital militaire de Sedan, qu'il visita avant de revenir à son poste, il contracta la variole à laquelle il succomba au mois de novembre, à l'âge de vingt-huit ans, laissant son œuvre aux soins de quelques amis chrétiens qui l'ont continuée, le temps nécessaire.

La cérémonie des funérailles fut des plus touchantes, et à cette occasion le maire de Sedan fit un discours remarquable. Il termina par ces mots : «Puisse notre pays ravagé trouver bientôt un digne successeur de celui que nous connaissions et que nous aimions sous le nom du bon docteur noir ! »

Et le journal missionnaire, auquel nous avons emprunté cet article, termine en disant : « Cet homme dévoué ne dit-il pas, par toute sa vie, aux chrétiens : « Allez, et faites de même ! »

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Auteur inconnu